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Cette année là, Noël allait être triste ; mon père faisait de mauvaises affaires, sa société d’engrais chimiques sombrait. J’entendais les conversations chuchotées de mes parents,
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UN NOËL
Cette année là, Noël allait être triste ; mon père faisait de mauvaises affaires, sa société d’engrais chimiques sombrait. J’entendais les conversations chuchotées de mes parents, je voyais l’inquiétude de ma mère, un pli soucieux barrait son front.
Mon père néanmoins jouait toujours avec moi en rentrant de son bureau, me faisant sauter sur ses genoux, nous jouions au cheval, à la « catapoumbala », des jeux qu’il inventait pour moi ; avec peu il savait me faire rire aux éclats.
Appliqué, j’envoyais au Père Noël ma lettre, guidé par ma mère ; elle me conseilla d’être raisonnable dans mes demandes à ce vieux monsieur qui venait de si loin avec son traîneau.
Nous rentrâmes dans la période de l’Avent.
Je vais tenter de vous conter Noël en Algérie.
Noël était un subtil mélange des traditions festives de nos grands-parents espagnols, et de celles de la mère patrie. Il était nourri par ce que nous étudiions en classe, dans ces beaux livres illustrés de merveilleuses gravures qui nous faisaient rêver. Le cinéma nous influençait : Walt Disney… Bambi… Bing Crosby… White Christmas… O tanenbaüm… Tino Rossi et ses petits souliers… Les Cloches de Sainte-Marie… Françoise Rosay et son voile bleu…
Au moment des fêtes de Noël, nous étions pluriculturels et internationaux.
Les cartes de vœux et les chromos de cette époque créative incitaient à la féerie. Toute cette neige, et ces gens en sabots qui allaient entendre les trois messes basses d’Alphonse Daudet, par des nuits glaciales, lanterne à la main, l’autre main tenant une chaufferette, emmitouflés dans des châles de laine, les sentiers neigeux, les sapins penchant leurs lourdes branches givrées…
Dans notre candeur, nous y voyions des bougies allumées sur des guirlandes tressées de houx et de gui.
Ces magiques Noëls français enneigés nous en rêvions.
Nous achetions nos arbres de Noël, nous les appelions « sapins », mais c’était des pins odorants collants de résine. Quel bonheur de les décorer de coton hydrophile blanc, de saupoudrer les branches de farine (c’était notre neige), d’y accrocher ces décorations oubliées que nous ressortions avec ravissement des boîtes où elle étaient rangées.
Nous étions surtout « très crèche »… Des jours entiers avec du « papier montagne » froissé, nous reconstituions grotte sacrée, montagnes et lacs.
Suivant la richesse de la famille, la crèche modeste ou grandiose, étoffée d’année en année de nouveaux santons, s’érigeait.
La coutume, le soir de Noël, était de mettre en route les Rois mages ; ils n’arrivaient devant la grotte qu’à la fête des rois. Chaque jour, à tour de rôle, mon frère et moi les avancions de quelques centimètres, il fallait être sages, sinon nous étions privés de cet honneur.
Bien qu’il y ait eu restriction, nous commençâmes les achats de Noël.
Un Noël pied-noir digne de ce nom était inenvisageable sans mantecaos, croquets, oreillettes … et autres douceurs que maman faisait cuire elle-même, un mois avant la fête, des après-midis entiers à la boulangerie du quartier, dans le four loué pour quelques francs.
Nous les gardions sans y goûter : l’attente décuplait les plaisirs de la fête à venir.
Sur la Place de La Cathédrale, autour de la statue de Jeanne d’Arc, au moment de Noël de minuscules chalets en bois, peints en vert, apparaissaient. On y achetait les différents tourons, celui aux amandes et au miel très dur, l’autre plus mou, truffé de fruits confits.
Il y avait aussi les anis, ces petits bonbons craquants, de couleurs pastels tout hérissés, les pralines marrons et roses, les fondants ; la liste des friandises proposées était longue et variée, nous étions gourmets et gourmands.
Nous achetâmes de tout, en quantités limitées.
Cette année-là, nous ne fîmes que dresser la crèche, en sortant religieusement les santons des papiers dans lesquels ils étaient protégés depuis le Noël précédent.
Mon père construisit avec notre aide des cabanes de carton, mit en tas de vraies brindilles pour simuler forêts et fagots, creusa le lac avec le bout de miroir que nous gardions précieusement à cet effet ; nous y passâmes des samedis et des dimanches merveilleux. Mon père, souriant, nous confirma que le Père Noël viendrait mais, nous dit-il :
« Il n’est pas très riche… »
Ce 24 décembre, nous allâmes à la messe de minuit pour la première fois.
Près de l’autel, lui aussi décoré au couleurs de Noël, il y avait une étable reconstituée avec paille et rondins de bois, elle était couronnée d’une grande étoile or et de cheveux d’ange. Le spectacle féérique de cette crèche vivante nous fascina, quand s’avancèrent sous nos yeux bergers, Rois mages, Joseph et la Vierge Marie en personne, tenant dans ses bras l’Enfant roi !
Jamais, nous n’avions entendu de chants plus émouvants que ceux qu’un chœur revêtu d’aubes blanches gansées d’or lançait avec ferveur ; les enfants de cette chorale portaient des ailes d’or, comme nous les avons enviés !
Petit texte de Hubert VICENTE en cette periode de Noël Pieds Noirs
Merci a lui.
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